Discours de la rentrée des Cours et Tribunaux 2021-2022

24/03/2022

 

Lors de l’Audience solennelle de Rentrée des Cours et Tribunaux qui s’est tenue le 1er octobre 2021 en présence de S.A.S. le Prince ALBERT II, Mme Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président de la Cour d’appel, a invité M. Didier LINOTTE, Président du Tribunal Suprême, à prononcer le discours de rentrée.

Sont reproduits ci-dessous le discours prononcé par le Président LINOTTE ainsi que les propos introductifs et conclusifs de Mme le Premier Président GRINDA-GAMBARINI.

 

Mme GRINDA-GAMBARINI :

« Comme chaque année, un membre de notre famille judiciaire va prononcer un discours sur un sujet de son choix, conformément aux dispositions de l’article 47 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l’administration et à l’organisation judiciaires.

Notre orateur du jour est le Président de la plus Haute juridiction monégasque, Monsieur Didier LINOTTE.

La dualisme juridictionnel est le fruit d’un long cheminement qui prend sa source dans la philosophie des Lumières, le principe de séparation des pouvoirs résultant d’une lecture stricte et presque radicale de l’œuvre de LOCKE, mais aussi de MONTESQUIEU.

Souvenons-nous que dans L’esprit des lois, ce dernier affirmait que lorsque la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté, pas plus qu’il n’y en a si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et exécutrice.

La séparation des fonctions est souvent invoquée pour justifier l’indépendance et les pouvoirs propres des juges et Notre Principauté a bien évidemment mis en œuvre ce principe fondateur de l’organisation des pouvoirs publics de tout Etat de droit en se dotant d’un ordre juridictionnel administratif.

Le Tribunal Suprême de Monaco n’est pourtant pas seulement une juridiction administrative.

Institué par la Constitution du 5 janvier 1911 octroyée par le Prince Albert Ier qui a fait de notre pays une monarchie constitutionnelle effective – fondée sur des principes démocratiques d’organisation des pouvoirs publics et consacrant des libertés et des droits fondamentaux protégés par une juridiction supérieure – le Tribunal Suprême est également considéré comme la plus ancienne Cour constitutionnelle du monde.

Cette notoriété, on pourrait même parler de célébrité, n’exclut pourtant pas le voile de mystère qui entoure cette juridiction suprême.

Le discours du jour, prononcé par Monsieur le Président Didier LINOTTE est en effet intitulé :

« Le Tribunal Suprême cet inconnu célèbre »

Je laisse la parole à notre orateur. »

 

M. Didier LINOTTE :

« Le Tribunal Suprême cet inconnu célèbre.

Il faut toujours justifier le choix du sujet ! et pas seulement dans les copies d’étudiants.

Nous entrons en année judiciaire 2021-2022 de grande commémoration : 

2021 : 110 ans d’existence du Tribunal Suprême créé en 1911, centenaire de son premier exercice en 1921 ; 2022 : centenaire de la disparition d’Albert Ier son immense fondateur.

Dans ce contexte historique le choix du Tribunal Suprême comme sujet du propos n’est pas anachronique.

De mon point de vue, dès lors que l’on m’a fait l’honneur et la joie de me demander de porter aujourd’hui la parole de la Justice, autant s’exprimer sur ce que l’on pense connaître au moins un peu.

Si j’ajoute enfin aux justifications le fait que l’année judiciaire d’aujourd’hui précède précisément la fin de mon mandat en 2023, vous comprendrez que l’émotion profonde ne sera pas absente de mon propos.

L’émotion je l’ai d’abord ressentie dès mon entrée, comme membre de la Juridiction en 2010. A fortiori quand le Souverain m’a confié la charge de la Présidence en 2012 pour substituer Hubert Charles, présent ici, resté indéfectiblement mon Président, mon Passeur de témoin et mon ami.

Car le Tribunal Suprême, remis entre nos mains est un Trésor inestimable. Un « graal » Juridictionnel.

Car le Tribunal Suprême de Monaco est bien, comme l’a martelé Roland Drago, mon ante prédécesseur et mon maître à Paris, « la plus ancienne juridiction constitutionnelle au Monde ». Ce n’est pas un effet de loupe ou de fierté grossissante de la Principauté que de l’affirmer. C’est la réalité historique. A condition de préciser : dans le contrôle protecteur des droits fondamentaux par voie d’action ; et non par voie d’exception comme par exemple avec la Cour Suprême des Etats-Unis ou dans la très récente et petite QPC française. Car avec son prétoire largement ouvert, et, le cas échéant dès la prise de la mesure ou de la décision dont l’inconstitutionnalité alléguée est confirmée, celle-ci disparaît de l’ordre juridique et, éventuellement, les dommages qu’elle cause réparés.

L’innovation portée par Votre Trisaïeul, Monseigneur, est d’autant plus remarquable, qu’elle résulte non d’une foucade, de la seule pression de la conjoncture, ou d’un concours de circonstance organisé par un entourage ou un courant d’intéressés mais bien de sa volonté personnelle libérale et humaniste et longuement mûrie. Grâce aux archives du Palais Princier, admirablement tenues et ouvertes, on réalise que c’est bien avant l’adoption de la Constitution de 1911, probablement dès 1908, qu’Albert Ier se préoccupe d’une réflexion institutionnelle associant mieux les Monégasques et leur procurant des garanties. C’est ainsi que la Constitution de 1911 leur assurera l’effectivité de la protection des Droits Fondamentaux qu’il transcrira dans le Titre II de la version de l’époque (Titre III d’aujourd’hui). Il s’adjoindra pour ce faire des Conseils français du plus haut niveau, dont Louis Renault, qui avait tenté, sans succès, de faire adopter un projet analogue par la Chambre des Députés de France. Georges Grinda a donné des sources utiles et incontestables sur cette période, dans son fameux article de nos Annales Historiques.

J’ai coutume d’utiliser cette image : en matière de protection effective des Droits Fondamentaux si Albert Ier n’a pas inventé le moteur il a inventé l’embrayage.

En effet des Déclarations de Droits existent depuis des temps parfois très anciens et, à la fin du XIXème siècle, on peut affirmer que la plupart des pays développés et en tout cas européens sont dotés de proclamations ou de déclarations des Droits de l’Homme. Mais, très souvent, et en France jusqu’aux années 60, les Préambules, les Déclarations ne se voyaient reconnaître qu’une valeur indicative dépourvue de la sanction des tribunaux.

Avec l’affirmation d’un contrôle de constitutionnalité, largement ouvert et analogue à un recours pour excès de pouvoir débouchant sur une annulation erga omnes, le Souverain Monégasque a ouvert une voie protectrice sans précédent à l’époque. Je me risquerai à affirmer que l’œuvre humaniste d’Albert Ier dans la sauvegarde des Droits de l’Homme est pour l’humanité au moins aussi importante que son œuvre, d’une actualité par ailleurs tremblante, en faveur des Océans. Quel beau Prix Nobel de la Paix il aurait fait !

Il a ainsi placé Monaco, dès 1911, en « pole position » en ce domaine. L’excellence étant jusqu’à aujourd’hui toujours un marqueur de la Principauté. Mais, toute médaille ayant son revers… noblesse oblige !

En plaçant ainsi la position de l’Etat de Droit à Monaco le Souverain pionnier a placé, pour nous tous, la barre très haut.

Ce qui peut expliquer, où le roman justifie son titre, comme on dit dans Alexandre DUMAS, que si le Tribunal Suprême de Monaco est devenu célèbre, il n’en reste pas moins, au moins par certains aspects, inconnu.

Car la vraie question, au-delà de l’évocation historique, est de savoir quelles sont les raisons d’être aujourd’hui et demain de cette juridiction.

On donnera une double réponse : le Tribunal Suprême de Monaco doit être, d’une part (I) un garant de l’Etat de Droit irréprochable à Monaco et, d’autre part (II) le garant inflexible de la Souveraineté Monégasque dans l’Ordre International.

 

I – Le garant de l’Etat de Droit irréprochable à Monaco

 

L’importance de l’adhésion de la Principauté à l’Etat de Droit est proclamée en tête de la norme fondamentale qu’est la Constitution et une mission essentielle est confiée en ce sens au Tribunal Suprême. « La Principauté est un État de droit attaché au respect des libertés et droits fondamentaux » (article 2).

Il faudra préciser auparavant la place du Tribunal Suprême au sein de la Justice à Monaco (A) avant de s’interroger sur le pourquoi d’un Etat de Droit à Monaco et les moyens et les voies de son exercice (B).

A – La place du Tribunal Suprême au sein de la Justice à Monaco

Une vision un peu trop plaquée de la démarcation du système du grand pays voisin pourrait conduire à des inexactitudes sensibles. En tant que juge administratif on pourrait imaginer le Tribunal Suprême séparé des juridictions judiciaires et sans rapport avec elles. Comme dans le système français d’après les lois des 16 et 24 Août 1790 et du Décret du 5 Fructidor An III.

Mais, même en matière administrative, le système monégasque est plus subtil et plus complexe. Le Tribunal Suprême est juge administratif d’attribution. C’est le juge judiciaire (TPI, Cour d’appel et Cour de Révision) qui est le juge administratif de droit commun notamment dans les contentieux de l’exécution des contrats, même administratifs, et de la responsabilité. Toutefois le monopole du contrôle de la légalité des actes et décisions du Gouvernement et de l’Administration confié au Tribunal Suprême, et sa compétence pour indemniser les dommages causés par les actes illégaux, doit générer des renvois préjudiciels à ce dernier de la part des juges judiciaires saisis. Symétriquement, le Tribunal Suprême statuant sur un recours où se trouvera invoqué, par exemple, une contestation de l’existence d’un droit de propriété devra renvoyer au juge judiciaire qui tranchera ce point.

Quand on quitte le terrain administratif pour aborder la compétence constitutionnelle exclusive confiée au Tribunal Suprême l’interpénétration est encore plus flagrante.

Toutes les disciplines du droit peuvent se trouver abordées par le Tribunal Suprême. Il statue alors en droit pénal, en droit social et du travail, en droit civil, en droit des sociétés ou en droit commercial.

Il participe donc largement à la détermination du droit applicable en tous domaines par toutes les juridictions.

Si l’on ajoute enfin qu’il est le Tribunal des conflits chargé de réguler la répartition des compétences entre les ordres juridictionnels – même si son prétoire n’est guère encombré en la matière – on mesure que loin d’être séparé de l’édifice judiciaire monégasque, il est au contraire placé au cœur de l’édifice et doit travailler en parfaite symbiose et en totale cohérence avec ses collègues de la magistrature judiciaire.

Le contentieux des contrats peut en fournir un terrain d’exemple parfait. Si c’est le juge judiciaire qui est le juge des contrats du point de vue de leur interprétation, de leur exécution et de leurs dispositions de fond c’est le Tribunal Suprême qui reste juge des actes détachables du contrat tels que la signature ou son retrait, et de la procédure de passation ou d’attribution. Le dialogue des Juges, cher à la Cour de Strasbourg, gagnera à se développer ici aussi.

On voit comment, et à travers quelle organisation, c’est l’ensemble de l’appareil judiciaire à Monaco, avec le Tribunal Suprême, qui est le garant de l’Etat de Droit.

Mais pourquoi l’Etat de Droit est-il spécialement et particulièrement si important pour la Principauté ?

B – L’importance particulière de l’Etat de Droit à Monaco

Albert Ier avait, indépendamment de son humanisme libéral fondamental, aussi sans doute eu cette prescience devant les changements et les poussées démocratiques, à l’aube du XXème siècle, qu’une monarchie héréditaire ne pouvait perdurer qu’avec l’assentiment profond et viscéral du peuple Monégasque uni autour d’un pacte national, fût-il implicite, garantissant par l’Etat de Droit l’équilibre des intérêts communs arbitrés et protégés par le Prince Souverain. 

La démocratie, régime de tous les pays environnants et des organisations internationales auxquelles Monaco a adhéré, est évidemment au cœur de la Principauté. Elle s’exerce assurément aussi par l’intermédiaire fortement présent du suffrage universel des nationaux : le Conseil National élu au suffrage universel partage le pouvoir législatif en harmonie avec le Prince Souverain. Le maire de Monaco et son Conseil communal, élus également au suffrage universel, exercent des attributions importantes pour la vie quotidienne des habitants, notamment dans le domaine social. 

Mais la Démocratie n’est pas que le fruit du suffrage. Pour rester démocratique, le suffrage doit rester borné par le Droit sinon c’est l’oppression des minorités par la majorité.

Seul le Droit protège les minorités contre le suffrage majoritaire. Or, à bien des égards Monaco est une mosaïque de minorités.

Aucun groupe national, aucune communauté ethnique ou religieuse ne dispose ici de la majorité absolue.

Seul l’Etat de Droit assuré par le Prince Souverain garantit l’équilibre et la protection de Tous.

C’est peut-être la raison fondamentale pour laquelle il est si important et si bien promu à Monaco.

Contrairement à de nombreux pays, la nomination des membres du Tribunal Suprême de Monaco ne résulte pas exclusivement de l’autorité politique mais associe étroitement l’ensemble de l’appareil de la justice par ses propositions, avec une exigence de professionnalisation des membres.  

Le droit de saisine du Tribunal Suprême est remarquablement ouvert à « toute personne physique ou morale de nationalité monégasque ou étrangère, qu’elle soit domiciliée ou non en Principauté… ». Cet accès au prétoire, particulièrement large, est un marqueur fort de la protection de l’Etat de Droit à Monaco.  L’accroissement du nombre de décisions rendues par le Tribunal Suprême de Monaco atteste de la confiance des plaideurs dans cette institution.

Le rôle du Tribunal Suprême dans la préservation de l’Etat de Droit face à la crise du Covid19 doit être mentionné.

Enfin, notons brièvement, sans insister longuement, que l’Etat de Droit ne résulte pas seulement des décisions rendues par les Juridictions de Monaco mais bien plus largement par la soumission au Droit, incluant les décisions de Justice, de tous les acteurs de la vie monégasque : institutions publiques et privées, individus, personnes morales, nationales, résidentes ou étrangères. L’effectivité du Droit, indiscutée, est au cœur de la réalité de l’Etat de Droit. S’il en allait différemment c’est la Cour Européenne de Strasbourg et le Conseil de l’Europe qui pourraient jouer le rôle d’instance de contrainte. Mais heureusement jusqu’à aujourd’hui, l’hypothèse reste largement d’école et la Souveraineté de la Principauté assure d’elle-même la bonne exécution de son propre Droit, et donc son effectivité.

C’est bien ici le moment de vérifier que la deuxième grande mission du Tribunal Suprême est de participer à la garantie de la Souveraineté monégasque dans l’ordre International.

 

II – Le garant inflexible de la Souveraineté Monégasque dans l’environnement international

 

Le sujet d’articulation de la Nation dans son entourage mondial est nécessairement le lieu d’un mouvement d’interaction. Monaco, pas plus qu’aucun Etat dans le monde, n’étant pas une île au milieu d’un océan désert, doit nécessairement tenir compte des contraintes qu’impose la communauté internationale.

La Constitution affirme que la Principauté se conforme aux principes généraux du Droit International, respecte les traités et conventions internationales, en particulier signés avec la France.

Mais réciproquement l’Etat et le régime de la Principauté sont reconnus par les organisations internationales : Nations Unies, Conseil de l’Europe, etc.

A – La reconnaissance internationale réciproque

La Principauté voit sa Souveraineté reconnue et protégée par les institutions internationales dont elle est membre. 

Pour sa part, le Tribunal Suprême de Monaco est accueilli dans les organisations internationales qui fédèrent les Cours constitutionnelles et administratives supérieures.

La participation à la Conférence de haut niveau « Droits de l’homme pour la planète » témoigne du souci de mettre le Droit au service de la protection de l’environnement à celui des générations futures.

Au Conseil de l’Europe, et dans ses diverses émanations, Commission de Venise, GRECO, ECRI, mais aussi aux Cours constitutionnelles mondiales, Hautes juridictions administratives, Cours constitutionnelles européennes, Cours constitutionnelles francophones, le rôle exemplaire et avant-gardiste du Tribunal Suprême est aujourd’hui bien connu et reconnu.

Ce point est d’autant plus important qu’il peut faciliter la protection de l’identité constitutionnelle de la Principauté, garante de sa Souveraineté dans l’ordre international.

B – La contribution du Tribunal Suprême à la définition de l’identité constitutionnelle Monégasque

La primauté de la Constitution donc de la Souveraineté Monégasque dans l’ordre juridique est affirmée par le préambule du texte de 1962 modifié qui la place comme « loi fondamentale de l’Etat ».

L’identité constitutionnelle de la Principauté s’affirme donc face aux exigences de l’ordre international et lui constitue à cet égard un rempart.

Si la primauté des traités et des conventions est reconnue par rapport aux décisions administratives et gouvernementales, il n’en va pas de même à l’égard des lois et bien sûr des principes dont la valeur constitutionnelle est reconnue.

C’est bien pourquoi, dans le contexte des négociations internationales en cours, le Tribunal Suprême s’est appliqué à expliciter ou préciser la plupart des principes dotés de la valeur supérieure correspondant à l’identité monégasque.

Dès ses décisions de 2000, le Tribunal Suprême a posé en principe, comme dans d’autres pays dont la France, d’assurer la primauté des conventions internationales, dont la CESDH, sur les décisions administratives et gouvernementales, mais non sur les lois. Cette jurisprudence est maintenue à ce jour. Notre juridiction Suprême ne pratique pas le contrôle de la conventionnalité des lois.

Dans les dernières années, le Tribunal Suprême a affirmé la Souveraineté de la Principauté sur la détermination de l’aménagement de son Territoire et donc de sa planification urbaine. Il a donc rejeté comme irrecevable le recours d’une commune étrangère voisine dirigé contre un règlement d’urbanisme autorisant des constructions qu’elle estimait gênante. Le recours en illégalité pouvant être recevable contre le permis de construire accordé ensuite mais sur la base du seul droit de l’urbanisme monégasque.

De même le Tribunal Suprême a consacré au rang de principes constitutionnels, intangibles donc, les priorités nationales à l’emploi et au logement des Monégasques. La Constitution en réserve expressément la possibilité. De même, distinctement de la liberté de création des entreprises et de la liberté d’installation en vigueur sur le territoire de l’Union Européenne, le juge constitutionnel monégasque a garanti l’organisation par l’Etat d’un contrôle de l’action économique destiné à autoriser ou non l’exercice de l’activité entrepreneuriale en nom propre ou en société. Il s’est encore attaché à assurer parallèlement la sécurité juridique des acteurs autorisés et des titulaires de contrats revêtu de la signature de l’Etat. L’effectivité des décisions en ce sens attirant particulièrement l’attention de la Juridiction. Enfin, dernièrement, le Tribunal Suprême de Monaco, s’il a validé les mesures législatives et réglementaires de la période Covid restreignant la liberté de licenciement de l’employeur, a néanmoins garanti au niveau constitutionnel l’organisation du marché du travail fondé sur sa fluidité. Enfin la nécessité d’un contrôle resserré de l’entrée et du séjour en Principauté, loin d’être remise en cause, est reconnu par le Tribunal.

Toutes ces particularités du droit monégasque comparé à son environnement européen sont néanmoins toutes pleinement justifiées par les spécificités géographiques, démographiques, historiques et sociales de la Principauté.

Loin de représenter un déficit démocratique au regard des normes voisines, elles sont, au contraire, le fruit d’une ouverture incomparable qui devrait être reconnue et donc acceptée.

Si les règles européennes ont opté pour l’ouverture de l’espace territorial correspondant aux libertés de circulation, d’installation, de résidence c’est par ce que les pères fondateurs de l’Europe des années 50 avaient constaté, après les ravages des guerres mondiales, les méfaits de l’étanchéité qui régnaient entre les pays du continent.

Or, loin d’être en retard sur l’évolution souhaitée par les Nations Européennes, Monaco pourrait faire, à l’inverse, figure d’exemple précurseur. Avec quelque 140 nationalités présentes chez les résidents, tous accueillis dans des services publics d’excellence, une économie prospère qui les autorise mais favorise aussi des hauts niveaux de prix, les Nationaux minoritaires chez eux doivent bénéficier d’une protection constitutionnelle particulière.

Loin d’être un privilège inacceptable, il s’agit ici, à l’inverse, « d’une discrimination positive », chère à l’Europe des Droits de l’Homme, dont doivent bénéficier, comme conséquence de la Souveraineté de la Principauté, ses ressortissants. Faute de quoi les Nationaux seraient en risque de se trouver expulsés de fait de leur Patrie.

Nous espérons, après ce survol, avoir mieux fait connaître notre Juridiction, et au seuil d’une année judiciaire nouvelle, nous formons le vœu de pouvoir poursuivre, avec toutes les forces judiciaires ensemble, le travail en cours au service de la Principauté et sous le Haut patronage et avec l’appui de son Souverain. »

 

Mme GRINDA-GAMBARINI :

« Monsieur le Président, je tiens à vous présenter au nom de toute notre Assemblée nos sincères compliments pour la très grande hauteur de vue et l’esprit de finesse avec lesquels vous avez traité ce sujet, mais aussi pour cette approche originale et séduisante.

Que notre Tribunal Suprême soit garant de l’Etat de droit, chacun de nous pouvait humblement en concevoir l’hypothèse, que cette Haute juridiction garantisse la souveraineté monégasque est en revanche une idée particulièrement forte et novatrice.

Le rôle de cette juridiction suprême comme artisan de l’identité constitutionnelle monégasque et sa reconnaissance sur la scène internationale mériterait en effet d’être mis en lumière et cette étude à la fois historique, socio-politique et juridique apparaît non seulement convaincante mais induit légitimement chez nous les acteurs de notre Institution un sentiment de très grande fierté.

Merci, Monsieur le Président. »